Les lattes à la citrouille

latte

Dimanche, c’était la première journée de l’automne. Du genre qui annonce le début de l’hiver. Une journée où on se dit qu’on aurait dû s’habiller plus chaudement et de sortir nos mitaines, même si l’été ne semblait pas si loin derrière nous.

Tu m’avais demandé de venir te rejoindre chez toi : il fallait qu’on parle. Le problème, c’est que ça faisait des semaines qu’on parlait et qu’on arrivait à la même conclusion… Cette fois-là, quand je suis partie, j’ai eu un goût amer dans la bouche. J’ai essayé de ne pas pleurer quand tu m’as serré en partant, mais j’ai pas pu me retenir une fois que ta porte s’est fermée. Je me suis retenue de ne pas remonter les escaliers jusqu’à ton appartement pour te dire que je voulais t’aimer, que je ferais tout pour toi, que je n’irais pas à l’étranger, qu’on ne serait pas séparés, et qu’on la formerait cette équipe que tu voulais tellement bâtir avec moi. Toi qui m’aimais déjà alors que je m’enfermais dans mes projets où je ne t’avais pas fait de place. Retourner dans le cul de sac où nous étions. Toi qui m’aime et moi qui part.

J’ai serré mon gros foulard sur mes épaules quand j’ai fini par sortir de ton bloc. Il faisait gris, froid. J’ai marché quelques mètres sur Laurier en essayant de retenir mes larmes. Marcher pour une deuxième fois sur cette rue en pleurant c’était un peu too much pour le semblant d’ego que je voulais me construire. Au coin de la rue, j’ai vu le Starbucks. J’ai eu envie de m’arrêter prendre un beignet aux pommes. Ils sont toujours trop secs et trop chers, mais j’avais envie d’en manger un quand même. Plus de beignets. Fuck. J’ai eu l’idée de me prendre un latte à la citrouille. Genre tout le monde aime ça, pis si j’avais besoin d’un truc, c’était quelque chose de bon, de chaud et réconfortant.

– Je vais te prendre un petit latte à la citrouille s’il te plait.

– Un mezzo latte?

Scram avec ton mezzo, t’as compris ce que je voulais dire…Ça va te faire 5$

Le prix m’a fait oublié un peu ma peine. Je sentais déjà mon compte débit chialer plus que moi. Tant pis, j’en ai besoin.

Le gars derrière le comptoir me sert mon latte à la citrouille, et je sors rapidement du Starbucks dans l’espoir de fuir ce quartier qui me rappellait trop de bons souvenirs. La fois que tu m’avais amené manger au parc. C’était du MacDo poche, mais jamais un gars m’avait proposé une date dans un parc. C’était cute. Rendue chez toi, tu m’avais préparé une tarte. Avec des fraises de M. Legault. Les meilleures de tout le Québec que tu me disais. C’était pas mal bon. On s’était levés à 3h du matin pour en reprendre (enfin, moi je m’étais levée, et toi tu m’avais regardé en rigolant parce que j’avais toujours faim).

En longeant le parc Laurier, j’ai pris une gorgée de mon latte. Ostie. C’est dégueulasse un latte à la citrouille épicé. Ça goûte le sucre, le lait brûlé pis un arrière-goût de j’sais pas quoi qui te suit jusqu’à ce que tu te brosses les dents. Maudit.

J’ai sacré mon verre dans la poubelle à l’entrée du métro. Ça m’a fait oublié un moment que j’avais de la peine, que tu m’aimais pis que moi j’étais pas certaine. Que sur papier, t’étais l’homme de ma vie, mais qu’en réalité, je savais plus où je devais me mettre.

[Source de l’image : goodbye par woodleywonderworks]