Il faut que jeunesse se passe. Ou est-ce l’amour qui m’a changé? Chose certaine, mes soirées passées dans les bars, le corps imbibé d’alcool cheap et transpirant le désir urgent d’un coït anonyme, ont fait place à un autre genre de divertissement social. Assagi, je suis désormais adepte des soupers maison entre amis. Simple, simple. Boire du vino, refaire le monde, mais surtout (surtout), se mettre à jour sur nos situations amoureuses respectives.
Dans mon cercle d’amis, nous avons eu la chance, l’étrange coïncidence ou l’heureux hasard (c’est selon) de passer du statut de « célibataire » à « en couple » dans le même espace-temps.
Malheureusement, ceux ou celles qui étaient déjà « dans une relation compliquée » le sont toujours, encore aujourd’hui. Ce genre de statut-là, ça s’éternise pour des raisons obscures et inexpliquées…
Souvent seul représentant de la gent masculine dans ces soupers de filles généreusement arrosés d’aromatique et charnu, il m’arrive quelquefois de devoir défendre le comportement des gars à grands coups de généralisation et de philosophie de pacotille. Le tout, avec une facilité déconcertante à me dissocier des comportements erratiques de leurs chums.
Mes conseils amoureux valent-ils mieux que ceux prononcés par une gitane, jurant sur la tête de sa caravane mobile que ton destin se trouve bel et bien dans sa boule de cristal? Je n’y mettrais pas ma main au feu. Ceci dit, il y a longtemps que l’on m’a affublé du sobriquet Docteur Love, titre que je porte avec fierté malgré mon manque d’études universitaires de troisième cycle.
Parfois, en pleine tirade sur (disons) la notion de fidélité chez les hommes, il arrive que l’une des filles me lance en plein visage un :
Oui, mais vous c’est pas pareil.
« Vous », faisant ici référence à mon chum et moi, AKA un couple formé de deux gars.
Habituellement, ce genre de déclaration-choc se passe entre le trou normand et l’escalope de veau. Chaque fois, ça me saisit. Pas comme un bon steak, mais plutôt telle une main au cou qui empêche d’inspirer pendant deux ou trois secondes.
Je n’en ris pas à gorge déployée, mais assez pour ne pas alourdir l’atmosphère. Cependant, je me suis toujours demandé pourquoi les couples gais étaient mis dans une catégorie à part…
Vous êtes deux gars. Vous n’avez pas ces problèmes-là…
Y a-t-il vraiment une différence entre un couple formé d’un homme et d’une femme, et celui de deux personnes du même sexe? On s’entend, je ne parle pas ici de la notion technique/pratique des ébats sexuels, mais de vie de couple. Conjuguer les désirs de l’un aux craintes de l’autre…
Un couple n’est-il pas l’union de deux entités différentes? Deux êtres qui veulent s’aimer et rester ensemble avec leurs qualités et leurs défauts. Il y a autant de combinaisons de caractère possibles entre deux gars, qu’avec tous les couples hétérosexuels de la planète.
Pourquoi donc sortir l’argument « Oui, mais vous c’est pas pareil »? Dans ce cas, ce n’est pas pareil pour aucun autre couple/ça ne sert plus à rien d’en discuter/parlons plutôt du dernier épisode d’America’s Next Top Model.
La peur de l’engagement n’est pas exclusive aux gars straight, tout comme le désir d’avoir des enfants aux filles trentenaires.
À part la chance que mon chum et moi avons de pouvoir s’échanger du linge et, parfois même, quelques produits coiffants, nous avons les mêmes problématiques quotidiennes que n’importe quel couple hétérosexuel.
Certains oseraient même affirmer que les défis sont plus grands pour les couples gais et lesbiens. Personnellement, je préfère ne pas m’aventurer dans ce genre de compétition. Ça ne sert à rien. On n’est pas dans une course de bobsleigh. Personne ne gagnera jamais de médaille pour ça.
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Cette fin de semaine aura lieu le défilé de la fierté LGBT à Montréal. Je n’y serai pas.
Pas que je sois de ceux qui se dissocient en prétextant ne pas se reconnaître parmi tant d’exubérance.
(La fierté gaie étant surtout le moment de se souvenir du combat de pionniers homosexuels qui font qu’aujourd’hui, j’ai le droit de vivre avec l’homme que j’aime. Et un devoir d’exiger que ça soit le cas partout sur la planète.)
Non, je serai beaucoup trop dans le jus à :
- Recevoir la belle-famille à bruncher
- Courir un 5 km
- Jardiner dans mes plates-bandes
- Partir une brassée de blanc
- Faire l’amour à mon chum
Bref, des activités du quotidien qui font que, oui, pour moi aussi c’est pareil!
[Source de l’image : Hands Of Friends Socialising In A Coffee Shop par Dan Cooper]