Vivre seule

Cette semaine, un oiseau est resté pris dans mon foyer et j’ai paniqué, parce que je vis seule et que je n’étais pas prête à cette première épreuve. Tuer les araignées et les bibittes d’humidité, d’accord. Mais gérer un oiseau vivant chez nous, non.

C’était le matin, tôt. Il est entré par la minuscule cheminée et est descendu comme un nono jusqu’en bas, dans la cendre, où je n’avais pas encore fait de feux. Il se débattait, en silence. Il n’a pas crié ou fait de bruits d’oiseaux, ce qui m’a rendue perplexe. Je pensais qu’un oiseau, ça criait. Mais pas toujours, on dirait.

J’ai pensé aux moments où moi, je me débats en silence. Les fois dans ma vie où je me suis ramassée dans une situation étrange, singulière, inappropriée, et que je n’ai pas crié à l’aide.

Au début, j’ai eu peur. Je ne savais pas quoi faire. Ça ne m’était jamais arrivé. J’ai appelé mon père, qui s’est inquiété pour sa fille. Moi, c’était beaucoup plus pour l’oiseau que je m’inquiétais. Il m’a suggéré de ne rien faire et d’attendre que l’oiseau s’en aille par lui-même. J’ai trouvé que c’était une bonne idée alors je suis partie travailler.

Des fois, quand des situations choquantes arrivent, les gens autour de vous s’inquiètent. Ils vous suggèrent de rester dans la situation qui vous rend malheureux. Juste pour voir si tout ne se replacerait pas tout seul, sans que vous n’ayez rien à faire. Ferme les yeux pendant le manège; tu auras moins peur. Puis, un matin, ça ne fonctionne plus.

Trente-six heures plus tard, je n’avais pas ouvert les portes du foyer. Et puis ça n’avait plus de sens, tout d’un coup. Alors j’ai demandé de l’aide. Deux collègues de travail sont venus, ils ont tapé fort sur la cheminée, dedans-dehors. Ils ont sali le plancher et brassé fort dans la maison encore fragile.

Comme une boule de cristal avec un petit père Noël et de la neige qui revole, j’ai été shakée. Ma maison n’était plus le lieu de réconfort que je m’efforce à construire, depuis un moment déjà. On m’avait revirée de bord et je n’étais plus capable de me relever.

Il a fini par s’envoler. Poussiéreux, noirci. Le petit oiseau plein de suie n’avait pas les ailes brisées. Il a peut-être un peu toussé, mais il est parti dans le ciel. Loin, loin, loin. Comme si finalement, ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts. Comme si on ne peut pas changer ce qu’on est vraiment. Comme si les oiseaux n’oubliaient pas comment voler, même après avoir été un peu dans le noir épeurant pendant plusieurs heures.

J’ai refermé la porte de ma maison. Je me suis assise par terre, dans la bouette des bottes de travail de mes courageux collègues. J’ai pleuré. Puis, j’ai remarqué le caca d’oiseau sur la vitre d’une des portes du foyer. Et j’ai ri.

Une cicatrice. La première de ma maison. J’ai trouvé ça beau.

[Source de l’image: Pixabay]

 

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